Le 11 janvier 2016 le maire de la commune de Marcq-en-Barœul, M. Bernard Gerard, a retiré les délégations de quatrième adjoint à M. Denis Tonnel.
Le 27 janvier 2016 la majorité municipale s’est prononcé par délibération contre son maintien dans les fonctions d’adjoint au maire. Par la suite le conseil municipal a délibéré et voté pour la suppression du poste de 4 ème adjoint.
L’adjoint déchu a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Lille au motif d’une absence de procédure contradictoire préalable.
Il estimait que les décisions portant retrait de ses fonctions et suppression de son poste avaient été prises en considération de sa personne. Partant, il considérait que ces décisions obligeaient la commune à recueillir ses observations avant leur édiction en vertu de l’article L.211-2 du code des relations entre le public et l’administration au terme duquel : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable. ».
Or, nous savions que sur la base de la jurisprudence issue de la décision De Marin n°86148 du Conseil d’Etat en date du 29 juin 1990, la décision par laquelle le maire rapporte la délégation consentie à un adjoint n’a pas le caractère d’une sanction.
Cette décision abrogeant une décision de nature réglementaire, n’entre ainsi dans aucune des catégories de décisions qui, en vertu de la loi du 11 juillet 1979, doivent être motivées ni par voie de conséquence, doivent donner lieu à une procédure contradictoire, au titre de l’article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ; qu’ainsi, les retraits de délégations n’avaient pas, au regard de cette jurisprudence, à être précédés d’une telle procédure.
Mais les modifications apportées sur la question de la motivation inclues dans le code des relations entre le public et l’administration permettaient de s’interroger sur le maintien d’une telle jurisprudence.
1. Une grande latitude de forme
La question que posait le requérant était de savoir si un retrait de délégation et une suppression de poste pouvaient effectivement être regardées comme nécessairement prises en considération de la personne et ainsi, être soumises à procédure contradictoire au regard du nouveau code des relations entre le public et l’administration.
Par un jugement n° 1601679 du 28 octobre 2016 le tribunal administratif de Lille, avant de statuer sur la requête de M. Denis Tonnel a décidé, en application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) Un adjoint au maire peut-il être qualifié de personne physique au sens de l’article L. 100-3 du code des relations entre le public et l’administration qui définit la notion de public, et par là même le champ d’application de ce code ?
2°) Dans l’affirmative, un retrait de délégation à un adjoint au maire doit-il s’analyser comme une décision prise en considération de la personne au sens de l’article L. 121‑1 du code des relations entre le public et l’administration, alors même que cette notion n’a jusqu’ici été consacrée que s’agissant de décisions individuelles et que certaines d’entre elles, dont la décision de refus de titularisation en fin de stage ne revêtant pas le caractère d’une mesure disciplinaire (notamment arrêt du Conseil d’Etat du 3 décembre 2003, Mme Mansuy, n° 236485), sont exemptées de procédure contradictoire préalable ?
3°) Le caractère règlementaire de la décision de retrait de délégation à un adjoint au maire, ou toute autre caractéristique propre à ce type de décision, fait-il obstacle à l’application d’une procédure contradictoire préalable ?
4°) Si la décision portant retrait de délégation doit être précédée d’une procédure contradictoire préalable, quelles en sont les modalités ?
Par un Avis en date du 27 janvier 2017 le Conseil d’Etat considère que le juge administratif doit regarder les décisions portant retrait de délégation d’un adjoint et suppression du poste comme non soumises à motivation et procédure contradictoire préalable :
« 2. La décision par laquelle le maire rapporte la délégation qu’il a consentie à l’un de ses adjoints est une décision à caractère réglementaire qui a pour objet la répartition des compétences entre les différentes autorités municipales. Une telle décision ne relève pas du champ défini par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l’administration.
Il en résulte que l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration, qui prévoit qu’exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2 de ce code, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable, ne s’applique pas à la décision par laquelle le maire rapporte la délégation qu’il a consentie à l’un de ses adjoints.. ».
2. Une liberté relative sur le fond
Cependant, il serait trop facile de croire qu’un Maire jouit d’une totale liberté en la matière et peut soumettre sa majorité au conseil municipal à voter une suppression de poste d’adjoint.
Si le maire dispose d’une certaine liberté pour retirer ses délégations à l’un de ses adjoints, seul le conseil municipal peut mettre fin à ses fonction en vertu de l’article L.2122-18 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui prévoit :
« Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation à des membres du conseil municipal. (…)
Lorsque le maire a retiré les délégations qu’il avait données à un adjoint, le conseil municipal doit se prononcer sur le maintien de celui-ci dans ses fonctions. »
Par ailleurs, le retrait de délégation et la suppression de poste sont des décisions qui ne doivent pas être inspirées par un motif étranger à la bonne marche de l’administration communale (rappel dans Avis Conseil d’État, 3ème / 8ème SSR, 14/11/2012, 361541).
Cette notion large inclut un examen au cas par cas tant les différends entre un Maire et son adjoint peuvent être de natures…différentes.
Lorsqu’un différend se fait jour et qu’en conséquence le Maire entend retirer les délégations de l’adjoint, le Maire devra d’abord s’assurer qu’il dispose d’éléments suffisants pour démontrer en cas de contentieux que la relation avec son adjoint rend impossible la bonne marche de l’administration communale.
MISE À JOUR : Le Tribunal administratif de Lille a suivi l’avis du Conseil d’Etat et à rejeté la requête de l’adjoint déchu par jugement du 21 mars 2017
http://www.lavoixdunord.fr/136690/article/2017-03-22/le-tribunal-administratif-donne-raison-la-ville-contre-denis-tonnel