Mesdames et messieurs, accrochez votre ceinture, la Cour de cassation nous conduit dans les virages serrés de sa jurisprudence…
Dans la société civile, lorsque les piétons, les cyclistes ou les automobilistes sont les auteurs ou les victimes d’un accident de la circulation, le principe veut que le juge compétent pour statuer sur la responsabilité et la réparation des préjudices appartienne à l’ordre judiciaire (qui comprend entre autre, le Tribunal de grande instance, le Tribunal d’instance, de proximité, le Tribunal correctionnel, Tribunal de police etc.).
C’est en effet l’article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 qui le prévoit :
« (…) les tribunaux de l’ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque (…) ».
Le réflexe juridique est de directement penser (accident + véhicule=juge judiciaire).
Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples.
En effet, l’accident causé ou subi par un agent public (pompier, militaire, policier, gendarme, agent EDF, facteur de La Poste, médecin d’hôpital), soulève la question de la recevabilité de l’action juridictionnelle aux fins de réparation.
La Cour de cassation, composée de plusieurs chambres de jugement, est elle-même mal à l’aise pour répondre à la question de la compétence du juge, oscillant entre compétence judiciaire et compétence administrative.
Pourtant, le Tribunal des conflits, qui est la juridiction qui juge les problèmes de compétence judiciaire ou administrative, avait semblé régler la question.
Le Tribunal des conflits avait en effet jugé que le juge judiciaire n’était pas compétent pour « (…) la réparation (…) des conséquences dommageables de l’accident de service survenu à l’un de ses agents titulaires à l’occasion de l’exercice de ses fonctions (…) et ce alors même que l’accident a été causé par un véhicule » (T. confl., 8 juin 2009, n° 09-03.697, Bull., T. confl., n° 13, AJDA 2009, p. 1173).
En adoptant mot pour mot cette solution dégagée par le Tribunal des conflits, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation était revenue sur sa jurisprudence antérieure (Cour de cass, Civ. 2e, 8 décembre 2011, pourvoi n° 10-24.907).
La Doctrine s’était émue du revirement opéré : « un accident de service dont a été victime un fonctionnaire avec son véhicule de service relève du régime de droit public des accidents de service et non du régime de droit privé des accidents causés par les véhicules administratifs » (A. Taillefait, JCl Administratif, fasc. 184, protection sociale, hygiène et sécurité, n° 76).
Et voilà que très récemment, la chambre criminelle de la même Cour de cassation vient de rendre un arrêt disant le contraire de ce qu’avait jugé la deuxième chambre civile.
Par un arrêt du 23 septembre 2014, pourvoi n° 13-85.311, la chambre criminelle vient de juger en effet que les tribunaux de l’ordre judiciaire sont compétents pour la réparation des dommages causés par tout véhicule, peu important qu’il ait été conduit par un militaire, que la victime soit elle-même agent de l’État et qu’ils aient tous deux été dans l’exercice de leurs fonctions, dès lors que le préjudice découle de la seule action d’un véhicule.
Ainsi, la chambre criminelle s’oppose à la deuxième chambre civile et c’est toute la Cour de cassation qui « conduit » les justiciables dans un flou juridique pour savoir quel juge devra être vraiment saisi lorsqu’on est victime ou auteur d’un accident de la circulation avec un agent public dans l’exercice de sa mission d’intérêt général.
Il conviendra de prendre contact avec un Avocat qui sera, lui, compétent en droit public, pour vous éclairer sur la question.