Le Ministère de l’Education a soumis au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) son projet de Décret fixant le cadre règlementaire de la sélection en Master en autorisant les Universités à interrompre un cycle de master déjà entamé, entre M1 et M2.
Le CNESER l’a rejeté le 17 avril 2016 au motif même de l’impossibilité d’interrompre un cycle de formation entamé, par un Master 1.
Nonobstant cet Avis, le Ministre a édicté le Décret le 25 mai 2016 publié au JO le 27 suivant.
Aux termes de l’Article 1er du Décret :
« Après l’article D. 612-36 du code de l’éducation, sont ajoutés les articles D. 612-36-1 et D.612-36-2 ainsi rédigés :
« Article D. 612-36-1 : Le master est un diplôme national de l’enseignement supérieur conférant à son titulaire le grade de master.
« Le diplôme de master sanctionne un niveau correspondant à l’obtention de 120 crédits européens au-delà du grade de licence. Les parcours types de formation visant à l’acquisition du diplôme de master sont organisés sur deux années.
« L’intitulé de chaque diplôme de master est défini par un nom de mention.
« Article D.612-36-2 : L’inscription d’un étudiant qui souhaite poursuivre sa formation dans une autre mention de master proposée par l’établissement dans lequel il a débuté sa formation en deuxième cycle est subordonnée à la vérification par le responsable de la formation dans laquelle l’inscription est demandée que les unités d’enseignement déjà acquises sont de nature à lui permettre de poursuivre sa formation en vue de l’obtention du master.
« L’inscription d’un étudiant désirant poursuivre sa formation de master à l’issue d’une année universitaire dans un établissement d’enseignement supérieur autre que celui dans lequel il était inscrit est subordonnée à la vérification, par le responsable de la formation de l’établissement d’accueil, que les unités d’enseignement déjà acquises dans son établissement d’origine sont de nature à lui permettre de poursuivre sa formation en vue de l’obtention du diplôme de master ».
Aux termes de l’Article 2 :
« La liste des mentions du diplôme national de master pour lesquelles l’admission en seconde année peut dépendre des capacités d’accueil de l’établissement d’enseignement supérieur telles qu’il les a fixées et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat, selon des modalités définies par l’établissement, est fixée en annexe au présent décret. »
42 % des formations ont été listées. Dans les 58% restants, la sélection demeure illégale.
En premier lieu, c’est bien une seule sélection entre M1 et M2 qui est prévue : « L’inscription d’un étudiant qui souhaite poursuivre sa formation étudiant (…) dans lequel il a débuté sa formation en deuxième cycle« .
Le Décret ne concerne donc pas l’accès au M1 mais la seule poursuite du cycle, entre M1 et M2. Les Tribunaux administratifs de Bordeaux et Lyon l’ont confirmé durant l’été 2016.
Or, l’article L. 612-1 du code de l’Education prévoit que les formations LMD sont organisées en cycle. Ni le M1 ni le M2 ne sont des cycles. Le Master est un cyle de 4 semestres, non de 1 année plus 1 année optionnelle.
En vertu de la définition donnée au cycle, on ne peut mettre un terme au Master à l’issue des 2 premiers semestres, quoi qu’il advienne.
Pourtant à l’origine du Décret, le Ministre de l’Education a désavoué celui-ci quelques mois après en indiquant lors d’une annonce de réforme de la loi : « D’abord, les universités doivent pouvoir recruter à l’entrée du master, et non pas en milieu de master, l’idée étant d’avoir un diplôme conçu comme un cursus de quatre semestres qui ne s’arrête pas en plein milieu, comme c’est le cas aujourd’hui ».
En second lieu, le Décret pose une condition non prévue par le législateur à l’article L. 612-6 du code de l’Education.
En effet, pour autoriser la sélection, le législateur n’a pas prévu la condition de vérification des UE si l’étudiant demande son inscription dans une autre université dans laquelle il a commencé sa formation de deuxième cycle. Ce serait ajouter une règle nouvelle. Or, le Décret est un règlement administratif qui doit être subordonné à la loi, puisqu’il est édicté en exécution de celle-ci. Aucun doute ne subsiste, le législateur a conditionné la sélection à l’édiction d’un Décret qui ne peut que prévoir une sélection fondée sur les capacités d’accueil de l’établissement, le succès à un concours ou l’examen du dossier du candidat.
Par ailleurs, la rédaction du Décret pose une distinction franche entre la vérification des UE de nature à permettre à l’étudiant de poursuivre sa formation (article 1) et l’examen du dossier (article 2) qui n’est autre que l’analyse des notes, des mentions et des appréciations obtenues jusqu’ici.
Le Gouvernement l’a confirmé.
En troisième lieu les universités devront définir des capacités d’accueil de chaque mention et dans la continuité du motif de l’examen du dossier, le Ministère laisse aux universités le soin d’en définir les modalités. Ainsi, chaque université pourra fixer les critères d’appréciation des dossiers de demande d’inscription. Ces conditions devront obligatoirement être prévues par les règlements internes des masters, votés par les Conseils d’administration de chaque Université et transmis au Recteur d’académie avant de pouvoir entrer en vigueur et être opposés aux étudiants. C’est également la porte ouverte à l’appréciation souveraine des universités mais surtout, aux traitements différents des étudiants pourtant placés dans des situations identiques.
Enfin, dans l’annexe au Décret sont mentionnés des mentions qui n’existent pas dans la nomenclature des diplômes.
Pour l’ensemble de ces raisons le Décret est illégal. Le Conseil d’Etat a été saisi de ces questions. Sa réponse est attendue par l’ensemble du monde universitaire.