Le Conseil d’Etat a rendu son verdict, mercredi 10 février, et il est clair : en l’état actuel du droit, la sélection en master n’a aucun fondement légal. Tout diplômé de licence a le droit de poursuivre ses études en master pendant quatre semestres pour obtenir – ou pas – un master à bac +5. L’avis rendu par la plus haute juridiction administrative va obliger les pouvoirs publics à passer à l’action. Le secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur, Thierry Mandon, a annoncé mercredi, qu’il « proposera dans les prochains jours un décret permettant de sécuriser le fonctionnement actuel du cycle de master ». Une partie du texte est déjà prête mais elle doit être présentée pour avis consultatif « au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), afin d’être mis en œuvre dès la prochaine rentrée universitaire ».
La pratique de la sélection sur dossier, et jury, entre les années de M1 et de M2 est aujourd’hui monnaie courante. Engagée depuis 2006, l’harmonisation européenne en trois cycles, Licence, Master, Doctorat, n’a été réalisée qu’en façade dans certains établissements. Entre la première année (M1) et la seconde (M2), les cartes sont totalement rebattues. Alors que le nombre de places entre ces deux années – plus de 140 000 – est presque le même, une concurrence s’est notamment instaurée pour l’accès aux « meilleurs masters 2 ».
Cette sélection ne serait justifiée que si la liste des masters 2 autorisés à la pratiquer avait été établie par décret… lequel n’a jamais été pris. « La décision du Conseil d’Etat clarifie les affaires en cours : les tribunaux administratifs vont devoir appliquer l’avis », explique Me Florent Verdier, auteur d’une trentaine de recours cette année, dont les deux portés à la connaissance du Conseil d’Etat. Son bilan : 25 procédures ont abouti à la réinscription en M2 des étudiants plaignants.
Pour une sélection encadrée
Quels masters seront autorisés à sélectionner ? L’entourage de M. Mandon précise qu’il s’agit de « sécuriser la situation actuelle » – comme l’a demandé la Conférence des présidents d’université dans un communiqué (CPU) – mais aussi de « garantir à chaque étudiant la possibilité de finir son cycle de master », ce qui répond aux inquiétudes des organisations étudiantes. Pour autant, les solutions avancées par ces dernières divergent.
Pour l’Unef, la sélection doit être encadrée pour garantir « à tous les titulaires d’un master 1 le droit à la poursuite d’étude dans au moins un master 2 du même grand domaine de formation dans leur université ». La Fage, elle, propose de supprimer la sélection au milieu du master, et d’instaurer après la licence un portail d’admission en master, offrant une proposition d’inscription à chaque étudiant. Quentin Panissod, président de PDE (Promotion et défense des étudiants), défend de son côté une approche différenciée par filière.
Parmi les masters sélectifs figurent en effet ceux de psychologie, car leur obtention vaut titre d’exercice et permet de s’installer. Mais aussi des masters de droit, qui ont conservé la césure entre M1 et M2, car les concours pour les professions juridiques recrutent à partir du M1. Et ceux d’enseignement, puisque les étudiants passent un concours à l’issue du M1, au terme duquel ils deviennent fonctionnaires stagiaires. Cependant, prévient Florent Verdier, « Les modalités de sélection vont poser d’autres questions de légalité : quelle note, quel barème donnent accès à un M2 à capacité limitée ? Il faudra que les décisions soient parfaitement motivées ». La question de la sélection en master n’est pas encore tout à fait réglée.