« Je m’y attendais », commente calmement Florent Verdier. Et pourtant, c’est une nouvelle victoire juridique pour cet avocat spécialisé dans la défense d’étudiants sélectionnés par leur université. Dans un avis rendu mercredi 10 février et concernant deux de ses clients, le Conseil d’Etat vient de rappeler qu’en vertu de l’article L. 612-6 du code de l’éducation « aucune sélection ne peut être mise en place » en première ou en deuxième année de master si la formation en question ne figure pas sur « une liste limitative établie par décret ».
Or « le décret listant ces formations n’a pas été pris depuis 1984 », commente Me Verdier, qui rappelle que ces derniers mois quatre jugements de tribunaux administratifs (à Châlons-en-Champagne, à Bordeaux et à Strasbourg) ont déjà été pris en ce sens. Le Conseil d’Etat, dont l’avis fera dorénavant jurisprudence dans les tribunaux administratifs saisis, rappelle que sont concernées les sélections s’appuyant sur « les capacités d’accueil de l’établissement, le succès à un concours, ou l’examen du dossier des candidats ». Cette règle s’applique « tant pour la sélection à l’entrée en master 1 que, le cas échéant, pour la sélection en cours de master, à l’entrée en master 2 ». La plus haute juridiction administrative écarte par là même la validité d’un arrêté d’avril 2002 utilisé par plusieurs universités pour justifier leur sélection.
Une décision politique attendue dans les prochains jours
Dans les filières de droit, de psychologie, de biologie ou encore de géographie, les contentieux qui opposent des étudiants s’estimant injustement sélectionnés à l’entrée en master 1 (M1) ou en master 2 (M2) et leur université se sont multipliés ces dernières années. Un peu moins d’une quarantaine d’étudiants seraient actuellement dans l’attente d’une décision les concernant, selon Florent Verdier, qui précise que, « en l’état actuel des choses, il y a toutes les raisons de penser que la sélection va continuer à se faire dans les universités, mais de manière illégale ».
C’est exactement ce que veut éviter la Conférence des présidents d’université (CPU) qui, dans un communiqué publié mercredi, appelle le ministère à « prendre acte de la position du Conseil d’Etat en adoptant sans délai, par décret, une liste exhaustive des formations de master pratiquant actuellement une sélection entre M1 et M2 »afin de sortir de « l’ornière » juridique qui préside actuellement.
Ce devrait être chose faite prochainement. C’est ce qu’a annoncé dans un communiqué le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche qui « proposera dans les prochains jours un décret permettant de sécuriser le fonctionnement actuel du cycle de master […] dès la prochaine rentrée universitaire ».
Le syndicat étudiant UNEF a, de son côté, appelé à ce que ce futur décret« garantisse à tous les titulaires d’un master 1 le droit à la poursuite d’étude dans au moins un master 2 du même grand domaine de formation dans leur université ».