Plusieurs étudiants non admis en master 2 attaquent leur université devant les tribunaux. Le gouvernement reste silencieux, laissant les acteurs de l’enseignement supérieur régler le problème. La question explosive de la sélection à l’université resurgit, avec des recours devant les tribunaux. Plusieurs étudiants diplômés d’un master 1 (M1) attaquent leur université après s’être vu refuser une admission en master 2 (M2). Des audiences sont prévues à Besançon, Grenoble, Paris, Nice, Bordeaux et Rennes à partir du 18 août. « Plusieurs dizaines d’étudiants sont aux prises avec un recours ou l’envisagent », selon Alexandre Leroy, président de la Fage, l’une des principales organisations étudiantes.
ABSENCE DE DECRET
La question de la sélection entre les deux années de master n’est pas nouvelle, mais elle a pris un tour particulier avec le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 juillet. Le juge a suspendu la décision de l’université d’Angers refusant d’inscrire un étudiant en M2. La sélection entre M1 et M2 est « illégale », affirme Florent Verdier, qui a défendu l’étudiant dans cette affaire et s’apprête à le faire dans les autres villes précédemment citées. La loi permet aux universités de sélectionner leurs étudiants, à condition que la liste des formations sélectives soit prévue par un décret. Or, ce décret n’a jamais été publié. « L’absence de ce décret empêche les universités de faire de la sélection entre le master 1 et le master 2, poursuit Florent Verdier. C’est limpide, au regard de la jurisprudence du Conseil d’Etat. »
Le tribunal administratif de Nantes conforte une décision du tribunal de Bordeaux, dont la Conférence des présidents d’université (CPU) s’était inquiétée l’été dernier.
Pour tenter de régler la question autrement que par la voie judiciaire, présidents d’université, syndicats d’étudiants et d’enseignants discutent, depuis la rentrée 2014, au sein d’un comité dédié aux mastes.
Les organisations étudiantes fustigent la sélection opérée entre les deux années de master. « La plupart des présidents d’université veulent pouvoir choisir leurs étudiants de master 2 pour avoir une offre de formation “concurrentielle’’, sans se soucier du droit à la poursuite des études », dénonce William Martinet, le président de l’Unef, premier syndicat étudiant. Alexandre Leroy, de la Fage est lui aussi très critique : « L’université, en tant que service public, ne doit pas choisir ses étudiants. C’est comme si les hôpitaux choisissaient leurs malades. »
Les syndicats étudiants se heurtent à la CPU, qui plaide pour une sélection avant l’entrée en master. Chose à laquelle Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, est opposée. « Interdire la sélection entre le M1 et le M2 est une aberration, ajoute un enseignant en master à l’université Paris-Sorbonne (Paris-IV). Le M2 est une année de préprofessionnalisation. Or, certains étudiants arrivent en M2 comme des touristes, sans stratégie professionnelle, sans avoir jamais mis les pieds dans une entreprise. Ils demandent à l’université, en deux semestres, de leur trouver des stages pour les rendre employables. C’est la responsabilité des universités de ne pas les envoyer au casse-pipe. Ils ne seront pas employables ! C’est comme si on laissait un marathonien franchir la ligne d’arrivée alors qu’on sait qu’il est disqualifié depuis le 40e kilomètre. ».
Les positions des uns et des autres sont-elles réconciliables ? La Fage croit au « consensus », évoque même « une discussion de plus en plus aisée avec la CPU ». Elle propose un système d’admission post-licence qui interviendrait entre la licence et le M1. Les étudiants n’auraient pas forcément le master de leur choix, mais aucun ne se retrouverait sur le carreau. L’Unef estime, elle, que le débat est « complètement bloqué ». Elle plaide pour un portail Internet d’inscription entre le M1 et le M2, et veut que chaque université soit contrainte d’inscrire ses étudiants de M1 qui le veulent dans un des M2 de l’université, proche de leur domaine de formation.
« On aimerait avancer sur le passage M1/M2, mais on n’a pas de réponse du ministère », regrette l’Unef. « On réclame un sujet politique », ajoute Alexandre Leroy. « Aucune action du ministère n’est prévue sur ce sujet », rétorque aux « Echos » l’entourage de la ministre de l’Education. A l’approche de 2017, le gouvernement veut éviter tout risque de conflit étudiant.