Les procédures accélérées permettent de demander au juge des référés, qui est un magistrat jugeant seul, d’ordonner des mesures provisoires tendant à préserver en urgence vos droits.
LES DIFFERENTS REFERES
Les référés d’urgence sont prévus par les dispositions du titre II du livre V du code de justice administrative (articles L. 521-1 à L. 523-1 et R. 522-1 à R. 523-3).
Le juge des référés statue en urgence lorsqu’il est saisi d’un référé-suspension, d’un référé-liberté ou d’un référé conservatoire (mesures utiles).
Le référé-suspension
Il permet d’obtenir la suspension de l’exécution d’une décision administrative (par exemple un permis de construire, un refus de titre de séjour…).
La mesure de suspension prononcée par le juge des référés est provisoire. Elle cesse de produire son effet dès que le juge s’est prononcé sur la demande d’annulation. Le juge des référés se prononce dans un délai variant de 48 heures à un mois ou plus en fonction de l’urgence.
Pour demander une suspension en référé :
Vous devez avoir au préalable ou simultanément demandé au juge administratif l’annulation de la décision. La demande est présentée par une requête distincte de la requête au fond et accompagnée d’une copie de cette dernière (art. R. 522-1du code de justice administrative).
Vous devez justifier de l’urgence.
Vous devez démontrer qu’il y a un doute sérieux sur la légalité de la décision.
La suspension d’une décision négative n’a généralement de portée utile que si elle est assortie d’une injonction de faire. C’est pourquoi la jurisprudence reconnait au juge des référés le pouvoir d’ordonner une telle injonction, même s’il n’est pas saisi de conclusions en ce sens (CE, Section, 20 décembre 2001, Ouatah, n° 206745 ; CE, 27 juillet 2001, Ministre de l’emploi c/ Vedel, n° 232603 ; CE, 14 octobre 2002, Commune du Lavandou, n° 244714).
En revanche, le juge des référés ne peut d’office faire usage d’un pouvoir d’injonction lorsqu’il prononce la suspension d’une mesure positive. Une telle injonction doit lui être demandée (CE, 15 avril 2005, Socrate, n° 271600). Si tel n’est pas le cas, le Conseil d’Etat a cependant jugé qu’il était loisible au juge des référés, en tenant compte de l’objet du litige, du moyen retenu comme sérieux et de l’urgence propre à l’affaire qui lui est soumise, de rappeler de sa propre initiative les mesures qui s’imposent à l’administration pour assurer l’exécution de la suspension qu’il prononce (CE, 9 mai 2005, SCI Pauline, n° 269452 ; rapp., s’agissant des jugements, CE, Assemblée, 29 juin 2001, Vassilikiotis, n° 213229 ; CE, 27 juillet 2001, Titran, n° 222509).
La décision ne doit pas être entièrement exécutée, on dot alors que la décision a « produit ses effets » et le référé suspension n’a plus d’objet.
Le référé-liberté
Il permet d’obtenir du juge des référés «toutes mesures nécessaires» à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle l’administration aurait porté atteinte de manière grave et manifestement illégale. Le juge se prononce dans ce cas en principe dans un délai de 48 heures (délai indicatif) (art. L.521-2 du code de justice administrative).
Pour demander un référé-liberté :
Vous devez justifier d’une urgence caractérisée rendant nécessaire l’intervention très rapide du juge.
Vous devez montrer qu’une liberté fondamentale est en cause (la liberté de réunion, la liberté d’aller et de venir, la liberté d’expression, le droit de propriété…).
Vous devez montrer que l’atteinte portée à cette liberté est grave et manifestement illégale.
A la différence du référé-suspension, le référé-liberté n’est pas obligatoirement associé à une requête au fond et notamment à une demande d’annulation, l’atteinte portée à une liberté fondamentale pouvant résulter tout aussi bien d’un agissement ou d’une carence que d’une décision de l’administration.
Les mesures prononcées, qui consistent principalement en des injonctions, ne peuvent être que provisoires. Ce caractère provisoire s’apprécie au regard de l’objet et des effets des mesures en cause et, en particulier, de leur caractère réversible (CE, 31 mai 2007, Syndicat CFDT Interco 28, n° 298293).
Toutefois, cette exigence cède lorsqu’aucune mesure de caractère provisoire n’est susceptible de faire disparaître l’atteinte portée à une liberté fondamentale (CE, ord. réf., 30 mars 2007, Ville de Lyon, n° 304053).
Le référé-liberté permet également la suspension d’une décision portant gravement atteinte à une liberté fondamentale.
Le référé-conservatoire ou « référé mesures utiles »
Il permet de demander au juge toute mesure utile sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative, donc avant même que l’administration ait pris une décision (art L. 521-3).
Le domaine privilégié est celui de l’expulsion des occupants sans titre du domaine public ou de la communication de documents administratifs. Il peut être utilisé pour prévenir la survenance ou l’aggravation d’une situation dommageable ou de sauvegarder l’intérêt général :
-injonction au responsable d’un dommage de travaux publics de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou mettre un terme aux dangers immédiats présentés par un immeuble (CE, Section, 18 juillet 2006, Mme Ellissondo Labat, n° 283474) ;
-injonction de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou à mettre un terme à un péril dont il n’est pas sérieusement contestable qu’il trouve sa cause dans l’action ou la carence de l’autorité publique (CE, Section, 16 novembre 2011, Ville de Paris et société d’économie mixte PariSeine, n°s 353172 et 353173).
-injonction au contractant de l’administration de prendre toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public lorsque l’administration ne peut user de moyens de contraintes à son encontre qu’en raison d’une décision juridictionnelle (CE, 29 juillet 2002, Centre hospitalier d’Armentières, n° 243500
Il se traduit par la mise en œuvre d’un pouvoir d’injonction à l’égard de l’administration ou d’une personne privée (CE, Assemblée, 3 mars 1978, Lecoq, n° 6079 ; CE, 29 avril 2002, Capellari, n° 240322 ; CE, Section, 6 février 2004, Masier, n° 256719).
Le prononcé d’une injonction, qui doit présenter un caractère provisoire ou conservatoire, n’est possible que si les conditions prévues par l’article L. 521-3 sont remplies (urgence, utilité de la mesure demandée et absence d’obstacle à l’exécution d’une décision administrative).
Le juge des référés, notamment saisi sur le fondement de l’article L. 521-3, est compétent, comme le juge judiciaire, pour enjoindre à l’administration de faire cesser une voie de fait (CE, 12 mai 2010, M. Alberigo, n° 333565).
Si la requête n’est pas rejetée par ordonnance de tri (art. L. 522-3 du CJA), elle doit faire l’objet d’une instruction contradictoire (CE, 28 mai 2001, Codiam, n° 230692).
Mais la tenue d’une audience publique n’est pas, en principe, obligatoire.
Les exigences de la contradiction impliquent que les parties soient informées du délai dans lequel elles sont autorisées à produire leurs observations en réponse à un mémoire, dès lors qu’en l’absence d’audience, elles ne sont pas mises en mesure d’exposer éventuellement leurs observations avant que le juge ne statue (CE, 15 février 2012, Société nationale des chemins de fer français et réseau ferré de France, n°s 351174 et 351186).
Pour demander un référé conservatoire :
Vous devez justifier de l’urgence
Vous devez montrer que la mesure que vous demandez est nécessaire
La mesure que vous demandez ne doit pas aller à l’encontre d’une décision administrative existante (dans un tel cas, il faudrait demander la suspension de l’application de cette décision, par le moyen du référé-suspension)
LES AUTRES REFERES
Il existe d’autres référés pour lesquels d’urgence n’est pas requise, même si le juge peul rendre sa décision rapidement. Les plus importantes de ces procédures sont les suivantes.
4. Le référé-constat
Permet d’obtenir la désignation d’un expert pour constater rapidement des faits susceptibles d’être la cause d’un litige devant la juridiction.
5. Le référé-instruction
Il permet de faire ordonner une expertise ou toute autre mesure d’instruction, même en l’absence de décision administrative.
Ainsi, un requérant peut par exemple obtenir une expertise sur les dommages susceptibles d’être causés à un immeuble par des travaux publics voisins.
6. Le référé-provision
Le référé provision est prévu par les dispositions des articles R. 541-1 à R.541-6 du code de justice administrative. Il pernet de demander une provision (c’est-à-dire une avance) sur une somme due par l’administration. Il faut que l’existence de cette créance ne soit pas sérieusement contestable.
7. Le référé-fiscal
Il permet d’attaquer un refus opposé par l’administration sur une demande de sursis de paiement formée en cas de contestation d’une imposition, notamment en matière d’impôt sur les sociétés ou de TVA.
8. Le référé-précontractuel
Le référé précontractuel est institué par l’article L. 551-1 du CJA qui dispose que : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public. Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ».
Il permet de prévenir la passation d’un contrat en méconnaissance de règles de publicité et de mise en concurrence. Il permet aux entreprises candidates qui constatent un manquement dans la procédure de passation d’obtenir du juge qu’il prononce les mesures nécessaires pour remédier à ce manquement avant la signature du contrat.
La procédure de référé précontractuel est ouverte dans le cadre de la passation par les pouvoirs adjudicateurs (article L. 551-1) ou les entités adjudicatrices (article L. 551-5) de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public.
La juridiction ne peut être saisie d’un référé précontractuel qu’avant la signature du contrat.
Les pouvoirs dont dispose le juge administratif en vertu des articles L. 551-1 et L. 551-5 du CJA ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat.
Dans le cas des marchés publics, la signature de l’acte d’engagement constitue la conclusion du contrat au sens de ces dispositions. La signature du contrat rend le référé précontractuel irrecevable, même si la validité de la signature est manifestement contestable (CE, 7 mars 2005, Sté Grandjouan-Saco, n° 270778), car il n’appartient pas au juge des référés précontractuels de contrôler la validité de la signature d’un contrat (CE, 8 février 1999, Sté Campenon Bernard SGE, n° 188100).
L’exercice du référé précontractuel suspend la procédure de passation et le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice de la décision juridictionnelle.
Pour donner son plein effet à cette suspension automatique, il est prévu une obligation de notification par le requérant de son recours au pouvoir adjudicateur ou à l’entité adjudicatrice, qui doit être effectuée en même temps et selon les mêmes modalités que le dépôt du recours devant la juridiction (articles R. 551-1 et R. 551-2).
Les personnes susceptibles de former un référé précontractuel sont, d’une part, celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué, et d’autre part, le représentant de l’Etat dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local (article L. 551-10, 1er alinéa).
Aux termes de l’article L. 551-10 : « Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué, ainsi que le représentant de l’État dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. (…) ».
En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d’être lésées par de tels manquements.
Il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. (CE, Section, 3 octobre 2008, SMIRGEOMES, n° 305420).
9. Le référé-contractuel
Le référé contractuel est institué par les articles L. 551-13 et suivants du CJA. Aux termes des dispositions de l’article L.551-13 : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi, une fois conclu l’un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d’un recours régi par la présente section. ».
Il permet d’obtenir la nullité ou la résiliation du contrat ou encore la réduction de sa durée, voire des pénalités financières en cas de manquement grave aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Le champ d’application matériel du référé contractuel est en grande partie calqué sur celui du référé précontractuel, avec quelques différences toutefois.
Si les contrats susceptibles de faire l’objet d’un référé contractuel sont en principe les mêmes que ceux qui peuvent faire l’objet d’un référé précontractuel, l’article L. 551-15 prévoit que le recours en référé contractuel ne peut être exercé ni à l’égard des contrats dont la passation n’est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l’égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s’applique pas l’obligation de communiquer la décision d’attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a accompli la même formalité.
La juridiction ne peut être saisie qu’après la signature du contrat, mais elle doit l’être au plus tard le trente et unième jour suivant la publication d’un avis d’attribution du contrat ou, pour les marchés fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique, suivant la notification de la conclusion du contrat. En l’absence de publication d’avis ou de notification, la juridiction pourra être saisie jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat (article R. 551-7).
LA PROCÉDURE DE REFERE
La requête fait l’objet d’une instruction accélérée. Le juge procède à un premier examen de la requête à son arrivée.
S’il n’y a pas d’urgence
Ou s’il est manifeste que le requête est irrecevable ou mal fondée, il peut la rejeter directement par une ordonnance rendue sans audience.
Dans les autres cas
Le juge adresse votre requête à l’administration et à toutes les personnes concernées pour qu’elles puissent se défendre. Dans le même temps, il fixe la date et l’heure de l’audience, dans un délai qui va de 48 heures à 1 mois ou plus selon le degré d’urgence. Vous pouvez être convoqué par tout moyen, y compris par téléphone ou télécopie.
En fonction du délai avant l’audience, l’administration fournira ses explications par éclit, ou bien seulement par oral au cours de l’audience. Dans tous les cas, votre présence à l’audience est très importante car des arguments peuvent y être échangés et le juge peut poser des questions à chacune Ces parties.
Les voies et délais de recours
Ils sont indiqués caris la lettre de notification qui accompagne la décision du juge des référés. Lisez-la attentivement car selon la nature de la décision vous, ou l’administration, pourrez la contester par la voie de l’appel ou bien de la cassation.
Le pourvoi en cassation doit obligatoirement être présenté par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation.
RÉDIGER ET DEPOSER SA REQUETE EN REFERE
Dans la plupart des cas, vous devez adresser votre requête au Tribunal administratif.
Cependant, le Conseil d’Etat sera compétent en premier ressort pour juger les référés-suspension visant certaines décisions telles que les décrets ou les règlements des ministres.
La requête doit être signée et mentionner vos nom, prénom, adresse, si possible un numéro de télécopie, de téléphone et une adresse e-mail pour vous joindre rapidement.
Elle doit être rédigée en français.
La requête contient tous les éléments pour que le juge puisse statuer :
Les conclusions, c’est-à-dire ce que vous demandez précisément au juge (par exemple la suspension d’une décision. l’injonction à l’administration de mettre fin à des agissements illégaux, la communication d’un document précis…).
L’exposé précis des faits.
Les moyens de droit, c’est-à-dire les arguments juridiques tendant à établir te bien-fondé de la demande, l’illégalité ou le doute sur la légalité de la décision.
Pour un référé-suspension, vous devez joindre une copie de la décision concernée et de la demande présentée devant le juge tendant à l’annulation de cette décision. La requête peut être déposée au greffe de la juridiction ou envoyée par lettre-recommandée.